Le président Macron et la Première ministre Élisabeth Borne ont suscité la colère de l’Assemblée nationale en décidant de contourner un vote.
Il s’agit en partie d’un spectacle politique, selon la journaliste Ingmarie Froman, qui possède de nombreuses années d’expérience dans la politique française.
– Le Parlement est plutôt impuissant. L’actuel article 49.3 n’a pas été particulièrement controversé, dit-elle.
– La Constitution française accorde une grande importance au pouvoir exécutif. Le gouvernement doit être capable d’appliquer ses politiques et personne ne peut douter de l’identité du pouvoir.
Elle affirme que cette clause est souvent utilisée par les gouvernements français qui bénéficient d’un faible soutien parlementaire, ce qui s’applique également au gouvernement actuel.
Risque pour Macron
Le politologue Göran von Sydow estime que la loi sur les retraites est l’une des initiatives politiques les plus importantes de Macron, mais von Sydow voit également un risque dans la décision d’éviter un vote :
– Il s’agit d’une initiative politique importante qui a été une proposition clé de Macron dans sa campagne de réélection.
La décision de recourir à cette clause surprend encore un peu von Sydow.
– On critique déjà Macron selon lequel il utilise ce type d’instrument de manière autoritaire et contourne ainsi le Parlement, dit-il.
Je ne veux pas être contrôlé
Les protestations contre le gouvernement et le projet de loi ont été violentes, longues et étendues. La polarisation a augmenté. En même temps, cela fait partie de la culture politique française.
– Il s’agit essentiellement d’un conflit politique. Les gens veulent donner une chance au gouvernement. Vous ne voulez pas être contrôlé, ignoré et écrasé. Le gouvernement doit réellement appliquer une décision, il doit se battre et transpirer pour faire appliquer les décisions controversées, explique Froman.
Göran von Sydow, directeur de l’Institut suédois d’études politiques européennes, estime que les protestations pourraient s’intensifier.
– Désormais, il peut faire référence à la fois à la loi et à la manière dont elle a été appliquée. De tels signaux proviennent de dirigeants syndicaux qui critiquent à la fois la loi elle-même et le processus.
Cependant, il est peu probable que Macron et le gouvernement reculent.
– Macron fait réellement monter les enchères, dit von Sydow.
Manifestations en cours
Ingmarie Froman, qui a couvert des manifestations similaires en France au milieu des années 1990 lorsque le président Jacques Chirac a proposé des modifications aux retraites, rappelle la complexité de la question des retraites.
– Le système actuel a des règles favorables, il rappelle un peu l’ancien système de retraite suédois, dit Froman et se demande en même temps si quelqu’un en France a une idée claire de l’ensemble du système de retraite.
– C’est très lourd et très compliqué car de nombreux anciens systèmes se chevauchent.
Chirac a retiré la réforme au milieu des années 1990. Le fait que Macron ne s’y attende plus a des conséquences, estime Göran von Sydow.
– Le profil politique de Macron en sera affecté. Il est de plus en plus perçu comme étant de droite. Mais les critiques à son encontre viennent désormais aussi bien de l’extrême gauche que de Marine Le Pen et du Rassemblement national (d’extrême droite).
L’article 49.3 de la Constitution française donne au Premier ministre le droit de faire adopter un projet de loi sans que l’Assemblée nationale puisse le voter.
La proposition est alors réputée adoptée, mais l’opposition peut demander un vote de censure à l’égard du gouvernement, qui doit avoir lieu dans les 24 heures suivant l’invocation de l’article 49.3.
Si le vote de censure aboutit, le gouvernement sera contraint de démissionner et le projet de loi en question sera rejeté. Selon l’agence de presse AP, cela s’est déjà produit une fois, en 1962.
L’utilisation de cette clause jeudi était la 100e depuis un amendement constitutionnel en 1958 qui a créé la soi-disant « Cinquième République ».
16 premiers ministres l’ont utilisé, et Élisabeth Borne l’a déjà fait onze fois. Seul Michel Rocard du Parti Socialiste PS l’a fait plus souvent, 28 fois entre 1988 et 1991.
Sources : AFP, AP
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