« Le temps de l’esprit » d’Annie Ernaux : Un livre sur la mesure du temps avec le corps – Kulturnytt en P1

Titre: Le temps des sens
Auteur: Annie Ernaux
Traducteur: Katja Walden
Titre original: Passion simplement (1992)

Peut-être que le titre suédois « Sinnens Zeit » est un peu trop romantique pour la dissection d’Annie Ernaux de la simplicité de la passion, en français ça s’appelle « Passion Simple ». Il se déroule à une époque où la pornographie venait juste de faire son chemin sur la télévision par câble, et si vous n’aviez pas de décodeur, seuls les organes génitaux flous scintillaient avec des bruits de crépitement. L’écriture peut-elle viser cela, se demande-t-elle, la peur et l’impuissance, mais pour une fois sans condamnation morale.

C’est un petit livre sur l’attente, sauter des jours en attendant un homme. Ici, il s’appelle A, femme, tailleur de créateur, seulement temporairement en France, conduit vite, parle à moitié français et est légèrement ivre tout le temps. Mais il ne s’agit pas de lui.

Sauf comment, en tant que femme d’âge moyen, vous ignorez soudainement tout, les enfants adultes et le travail, qui ose à peine quitter la maison alors qu’elle devrait appeler parce que le téléphone portable n’a pas encore été inventé, la chose la plus importante dans la vie est d’y aller avec celui-ci dans l’après-midi homme au lit.

Il n’y a pas de chronologie dans ce texte, seulement présence et absence dans un inventaire de la souffrance. Par conséquent, elle n’est pas intéressée à expliquer cela en termes psychologiques ou culturels et historiques. C’est une histoire assez simple, peut-être la même pour tout le monde, mais ça l’est quand même. Et cette femme d’âge moyen avait à la fois le temps et la liberté de le faire.

Mais à la fin, cela devient le plus douloureux, même la joie du moment n’est qu’un prélude à la douleur d’après. Et quand vient la fin, il devient littérature, et l’homme écrit A remplace l’homme réel. Et lorsqu’elle se rend compte que le mur de Berlin est tombé au retour du monde, elle se met elle aussi à regarder l’écriture avec honte et surprise.

N’est-ce pas un genre, je pense au « Ja » de Suzanne Brögger et au « Feberboken » de Stina Aronsson, où les pannes deviennent des percées. Que l’homme mérite cette passion est une question inutile, estime Ernaux, car elle l’a quand même vécue, mesurant le temps avec son corps. Et je me souviendrai de ce qu’un thérapeute m’a dit il y a longtemps, de ne pas monter dans la tête et se retourner. Doit absolument rester sous le cou. Et c’est peut-être le livre d’Ernaux, La vie sous le cou.

Aurélie Jacques

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