Erik de la Reguera : Le conflit en Nouvelle-Calédonie pourrait devenir l’Irlande du Nord de Macron

A quelques semaines des élections européennes, un groupe d’îles de l’océan Pacifique, à 2 700 milles de Paris, est au centre de la politique française.

Depuis mercredi, cinq personnes ont été tuées en Nouvelle-Calédonie, dont deux policiers militaires, et des centaines ont été blessées, dont beaucoup par des tirs à balles réelles.

Les dégâts matériels sont estimés à au moins deux milliards de couronnes.

Photo : Delphine Mayeur/AFP

La situation est décrite comme étant au bord de la guerre civile. Le gouvernement a déclaré l’état d’urgence et envoyé un millier de policiers supplémentaires sur les îles pour maîtriser la situation. Des centaines de touristes se sont retrouvés bloqués lorsque les aéroports ont été fermés et repris par l’armée française.

Il y a une sorte d’ambiance réveillée à Paris : comment en sommes-nous arrivés ici ?

Comprendre Il faut d’abord connaître l’histoire.

C’est en 1853 que les colonisateurs français arrivèrent sur l’archipel aujourd’hui appelé Nouvelle-Calédonie. L’année suivante, une colonie pénitentiaire est fondée vers laquelle des milliers de criminels et de prisonniers politiques sont déportés. Au fil du temps, les Français libres se sont également déplacés vers ces îles isolées à mesure que d’importants et lucratifs gisements de nickel ont été découverts.

Le peuple indigène Kanak a été contraint de vivre dans des réserves. Ils ont été soumis à un travail forcé non rémunéré. Et ils se sont rebellés contre l’oppression, mais ont été réprimés à plusieurs reprises et brutalement.

Rien qu’en 1878, environ un millier de Kanaks furent fusillés par l’armée française.

Lorsque la Nouvelle-Calédonie devient « territoire français à statut particulier » en 1946, la voie de la citoyenneté française s’ouvre pour les Kanaks. Pourtant, malgré l’augmentation des investissements gouvernementaux dans les services et infrastructures communautaires, d’importants fossés économiques et politiques subsistent entre les populations autochtones et les descendants des colonisateurs.

Dans le même temps, les Français ont Encouragés par des conditions favorables, ils ont continué à se déplacer vers les îles. Les employés du gouvernement français, comme les enseignants et les agents de santé, recevront une prime salariale de 73 pour cent s’ils s’installent en Nouvelle-Calédonie.

Aujourd’hui, la population est composée à 41 pour cent de Kanak, à 24 pour cent d’« Européens » (principalement des descendants de Français) et à 11 pour cent d’immigrants venus d’Océanie et d’Asie. D’autres ne s’identifient à aucune de ces options.

Dans les années 1970 et 1980, un mouvement indépendantiste militant est apparu dans lequel les Kanaks réclamaient l’autonomie gouvernementale. Après plusieurs années de violents conflits et de négociations, l’Accord de Nouméa (du nom de la capitale de la Nouvelle-Calédonie) a été conclu en 1998.

Il y a là une vision distincte de la « décolonisation ».

Depuis lors, trois référendums sur l’indépendance ont eu lieu et chacun d’entre eux a remporté la victoire du non. Dans les deux premiers cas, la marge était de quelques points de pourcentage. Lors du troisième et dernier scrutin de 2021, le vote a été boycotté par le mouvement indépendantiste.

Des bâtiments et des véhicules ont été incendiés et des magasins pillés.  Selon les autorités françaises, les dégâts matériels s'élèvent à au moins deux milliards de couronnes.

Photo : Delphine Mayeur/AFP

Depuis, les loyalistes de Nouvelle-Calédonie réclament le droit de pouvoir repartir. Ils souhaitent entre autres mettre à jour les listes électorales. Il est gelé depuis 1998, ce qui signifie qu’aujourd’hui seuls ceux qui avaient le droit de vote en 1998 – et leurs enfants – peuvent voter.

Le président Emmanuel Macron je savais que c’était un sujet sensible. Mais l’année dernière, il a présenté un projet de loi qui donnerait le droit de vote à toute personne née en Nouvelle-Calédonie ou y résidant depuis au moins 10 ans.

Selon les calculs du ministère de l’Intérieur, cela pourrait, dans un premier temps, permettre à 25 000 personnes supplémentaires, dont la moitié d’immigrés, d’obtenir le droit de vote. Ceci dans un archipel comptant au total 270 000 habitants.

Pour de nombreux Kanaks, cela sonne le glas du rêve d’autodétermination.

C’est pourquoi, lorsque l’Assemblée nationale a voté « oui », une rébellion totale a éclaté.

Le gouvernement d’Emmanuel Macron tente de présenter le soulèvement comme l’œuvre d’une « mafia » composée d’extrémistes. Ses ministres pointent également du doigt le régime azerbaïdjanais, accusé d’avoir fomenté les manifestations. On sait que des acteurs azerbaïdjanais indignés par le soutien de la France à l’Arménie voisine ont été en contact avec le mouvement indépendantiste.

Mais il est plus difficile de prouver que c’est cela qui a provoqué les émeutes.

Accusé en France Macron est félicité tant par la droite que par la gauche pour avoir provoqué cette escalade. La nationaliste de droite Marine Le Pen souhaitait également suspendre le vote à l’Assemblée nationale en raison du risque de troubles.

Aujourd’hui, Macron a pris parti dans un conflit qui n’est pas sans rappeler celui en Irlande du Nord depuis les années 1970.

De plus, dans un archipel qui compte environ 64 000 armes à feu.

Un pour presque un habitant sur quatre.

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Adelard Thayer

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