Le résultat du premier tour des élections françaises a été conforme aux attentes des sondages d’opinion. Comme on pouvait s’y attendre, François Fillon des Républicains, ravagé par le scandale, n’a pas vraiment réussi, la vaillante tentative de Benoît Hamon des sociaux-démocrates de déraciner le parti après Hollande a complètement échoué, et le gauchiste Jean-Luc Mélanchon a échoué, même s’il semblait prometteur dans la dernière ligne droite.
Restent le social-libéral (c’est-à-dire le capitaliste) Emmanuel Macron et l’extrémiste de droite Marine Le Pen. La situation est préoccupante. Car même si Macron s’est montré extrêmement confiant dimanche soir (il s’adressait à ses partisans comme s’il était déjà président), il n’a toujours pas de parti. La France se trouve donc face à un choix absurde : l’extrémisme de droite ou un social-libéralisme diffus et sans fondement solide.
Alors maintenant, si nous espérons que Macron gagne (ce que nous devons évidemment faire), nous espérons quelque chose dont nous ne savons pas vraiment ce que c’est. « En marche » de Macron n’est encore qu’un mouvement, une sorte de start-up politique. Et à quel point est-ce apaisant ? Mais surtout : comment la France en est-elle arrivée là ?
Malheureusement, Macron, l’ancien homme d’affaires et ministre de l’Economie, a reçu une forte pression de la part des médias. Si les médias français ne l’avaient pas soutenu, on aurait autant ri de sa tentative de devenir président que de l’échec de la campagne du pauvre Hamon. Lorsque Macron a démissionné de son poste de ministre de l’Economie de Hollande, il a rencontré un enthousiasme disproportionné de la part des commentateurs de télévision, et le journal français L’Obs a publié d’innombrables Unes flatteuses. Un carrousel de propagande pas comme les autres s’est mis en branle. Quelque chose que Macron planifiait sans doute sous la table depuis longtemps.
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La politique, les médias et les affaires sont plus proches qu’ils ne devraient l’être en France. En matière de journalisme objectif, la France occupe un rang médiocre. Les médias français sont en grande partie détenus par un groupe d’hommes d’affaires à la Macron. C’est un scandale, mais rien de nouveau.
Cependant, la façon dont les médias suédois ont réussi à capturer le triomphe de Macron est incompréhensible. En principe, aucune voix critique ne s’est fait entendre à l’égard du prodige Macron depuis que les personnalités d’opinion se sont prononcées contre lui. Enfin, DN a félicité Macron pour son leadership. Comment ont-ils pu faire l’éloge de Macron de manière si flagrante (oui, nous parlons encore de l’ancien homme d’affaires qui s’est présenté à la présidence il y a un an, et dont la plateforme du parti n’existait qu’il y a quelques mois) est un mystère.
Mais bien sûr, tout va mieux que Le Pen en ce moment, alors dites ce que vous voulez du charmant nouveau venu français (qui s’intégrerait probablement mieux dans la Silicon Valley que dans l’Elysée). Il faut désormais le soutenir pour éviter une catastrophe pour la démocratie, pour une grande partie de la population française et pour l’ensemble de l’UE.
Macron a deux semaines pour former un parti avant le second tour des élections. Cela se passera probablement bien, il a bien fait jusqu’à présent sur la voie du succès. Macron rassemblera autour de lui un groupe de représentants de l’establishment politique, dont beaucoup ont lâchement quitté le Parti socialiste. L’argent circule autour du candidat, ce ne sera donc pas non plus un problème. Macron a reçu des fonds de divers investisseurs inconnus.
Les scandales bouillonnent sous la surface et il reste à savoir lesquels seront découverts. Je ne serais pas surpris si ce qui nous attend dans le prochain chapitre de la success story de Macron s’avère pire que ce que Sarkozy a réalisé.
En fait, la politique française du moment est comme un best-seller plein d’intrigues, et elle fait généralement mouche. Emmanuel Macron a tout pour gagner.
Lisa Gummesson
Traductrice, vit en France depuis huit ans
« Praticien dévoué de la culture pop. Créateur indépendant. Pionnier professionnel des médias sociaux. »