Paris pue. L’une des plus belles villes du monde s’est transformée en une énorme montagne de déchets en peu de temps. Des sacs poubelles déchirés remplissent les trottoirs et des restes de nourriture pourris commencent à joncher les rues.
Pourquoi est-ce?
Pourquoi Paris est-il devenu un tas d’ordures ?
Dans certains endroits, il est presque impossible de s’y rendre. Et avec le printemps dans l’air, ça commence à puer aussi. Correct.
Les travailleurs de l’assainissement à Paris sont en grève depuis le 6 mars pour protester contre la réforme des retraites du président Emmanuel Macron, qui augmentera l’âge de la retraite en France. L’âge général est relevé de 62 à 64 ans et pour les manutentionnaires de 57 à 59 ans.
La grève est palpable. Plus de 9 000 tonnes d’ordures se déversent actuellement sur la capitale française, et les tas d’ordures sont devenus si hauts que les magasins et les cafés derrière eux sont à peine visibles.
Un homme tente de progresser sur le petit morceau de trottoir qui se dresse encore entre lui et les ordures entassées devant le Café Le Président à Paris le 21 mars 2023.
Dans de nombreux endroits, les piétons sont simplement forcés de sortir dans les rues et les pistes cyclables permettent aux cyclistes de slalomer pour éviter tous les déchets. La plupart des gens restent actuellement à l’écart des terrasses parisiennes.
Outre Paris, la grève des ordures s’est étendue à de nombreuses autres villes françaises, dont Marseille, Nantes, Montpellier et Metz.
Les nettoyeurs français prennent encore leur retraite plus tôt que les autres. Alors pourquoi sont-ils en grève ?
Oui, car leur travail entre dans la catégorie « extrêmement fatigante » et le taux de mortalité est donc plus faible dans la vieillesse par rapport au Français moyen.
Macron veut également prolonger les années de retraite des Français, ce qui signifie que les collecteurs de déchets devront accomplir 43 ans de travail avant de pouvoir percevoir une retraite à taux plein.
« Il y a très peu de balayeurs qui prennent leur retraite pour des raisons de santé »
François Livartowski, secrétaire général du syndicat du secteur public CGT, représente les éboueurs en grève
En pratique, cela signifie que la grande majorité devra travailler au-delà de 59 ans, avec un maximum de 62 ans, pour atteindre une retraite à taux plein. Sauf s’ils ont commencé à travailler à 16 ans.
François Livartowski, secrétaire général du syndicat du secteur public CGT, qui représente les éboueurs en grève, a déclaré à la radio Europe 1 que la réforme était particulièrement injuste pour cette catégorie particulière de travailleurs.
– Il y a très peu de balayeurs qui prennent leur retraite en raison de problèmes de santé. Les gens meurent plus tôt que la moyenne et maintenant ils veulent nous enlever deux années de retraite.
Comment réagissent les Français ?
Depuis que la réforme a été proposée, une majorité de Français s’y oppose. Mais après que le gouvernement Macron a invoqué la semaine dernière l’article 49.3, un instrument constitutionnel spécial qui permet au gouvernement de passer outre l’Assemblée nationale, l’opposition s’est encore renforcée.
Selon un sondage publié par BFMTV le 20 mars, 58 % des Français souhaitaient que les grèves et les blocus se poursuivent pour protester contre la poursuite de la réforme, contre 54 % auparavant.
Un couple se promène main dans la main devant l’un des tas d’ordures éparpillés dans une grande partie de Paris le 13 mars 2023.
Mais quand il s’agit de la protestation des entreprises d’élimination des déchets, les choses semblent très différentes. Selon un sondage en ligne que le quotidien Le Figaro a publié sur son site Internet le 15 mars – un peu plus d’une semaine après le début des ordures à Paris – près de 84 % des quelque 250 000 électeurs ont répondu qu’ils étaient favorables à la réquisition des éboueurs en grève pour retirer les ordures.
Cependant, il convient de noter que Le Figaro est un journal libéral-conservateur dont le lectorat ne représente guère l’ensemble de la population française.
Mais en plus des opinions, le chaos des ordures à Paris s’est également traduit en actes dans certains quartiers.
BFMTV rapporte que les habitants et les commerçants du riche 16e arrondissement de la ville, par exemple, ont uni leurs forces pour payer des entreprises privées pour nettoyer le tas croissant d’ordures.
– Nous n’avions pas le choix. Soit ça, soit l’odeur, explique un vendeur de fruits et légumes à la chaîne de télévision.
Faouzi Rahmani, qui dirige une rôtisserie, dit que la puanteur a affecté son entreprise.
« Parfois, cela empêche les gens de faire la queue pour acheter le déjeuner », dit-il.
Mais bien sûr, il y a aussi ceux qui soutiennent pleinement les éboueurs en grève et veulent que leur protestation soit aussi efficace et perceptible que possible.
Le collectif Alternatiba Paris, qui œuvre pour la justice sociale, conseille, entre autres, comment prévenir une éventuelle décharge en liant les poubelles avec des serre-câbles.
– Prenez deux poubelles les plus pleines possible et reliez-les avec un lien comme celui-ci, instruit un membre d’Alternatiba Paris dans une vidéo tweetée par le collectif.
Où est le seuil de la douleur ?
Sur le plan intérieur, le chaos des ordures ne semble pas avoir eu d’impact majeur sur les plans de réforme de Macron.
Pas plus tard que mercredi, dans une interview télévisée en direct, sa première en cinq mois, le président a déclaré que la réforme n’était peut-être pas amusante mais qu’elle était nécessaire et qu’elle entrerait en vigueur en septembre.
« Passivité et mépris des Parisiens »
Le ministre français des Transports Clément Beaune a reproché à la maire Anne Hidalgo de ne pas s’être attaquée à la montagne d’ordures
Localement, et notamment autour de la maire de Paris Anne Hidalgo, qui s’oppose à la réforme et a jusqu’ici refusé de forcer les éboueurs en grève à reprendre le travail, le vent a été un peu plus modéré.
– La Ville de Paris n’a pris aucune mesure d’urgence, même partielle. Autre exemple d’inaction et de mépris des Parisiens, le ministre des Transports Clément Beaune l’a annoncé sur Twitter environ une semaine après le début de la grève.
La semaine dernière, alors que les ordures atteignaient plus de 10 000 tonnes, la police a ordonné à près de 700 éboueurs de reprendre temporairement leur travail, invoquant le danger pour la communauté, a rapporté la radio France Bleu.
Les éboueurs qui refusaient de reprendre le travail encouraient jusqu’à six mois de prison et 10 000 € d’amende.
Mais maintenant, la montagne de déchets grandit à nouveau.
Mardi, la grève des ramasseurs d’ordures a été prolongée d’au moins une semaine.
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