Le simple fait qu’un parti d’extrême droite remporte plus de 40 % des voix dans le deuxième plus grand pays de l’UE est terrifiant en soi. Certes, Marine Le Pen a gratté une grande partie de la pire rhétorique et certaines des pires politiques d’extrême droite de sa plate-forme, mais le noyau idéologique demeure : le parti a ses racines dans l’héritage le plus réactionnaire de France et dans l’ombre de son père – Jean- Marie Le Pen, qui a qualifié le camp de l’Holocauste nazi de détail de l’histoire, s’appuie fortement sur l’Assemblée nationale.
Macron a gagné moins par ses propres efforts que par la peur que tant d’électeurs avaient de Le Pen au pouvoir. Lors de sa remise de prix dimanche soir sous la Tour Eiffel, il semblait en avoir conscience. Il n’a pas fait un grand geste de victoire, mais a plutôt discrètement remercié l’électorat et tenté d’utiliser un ton conciliant envers tous les électeurs qui se sont tournés vers les extrémistes de droite.
Il dit qu’il veut être président de l’ensemble du peuple français. Il n’est pas. Des millions et des millions de travailleurs français le voient comme le président des riches, arrogant et séparé des masses. Il est le président de grands gestes européens et semble voir une UE fédérale comme un moyen d’élever également la France à la position de grande puissance que de nombreux Français chauvins pensent que le pays devrait avoir.
A bien des égards, l’élection présidentielle française témoigne de la crise profonde de la gauche et du mouvement ouvrier en Europe. Quand Macron a quitté le Parti socialiste français pour fonder le sien dans le célèbre centre (qui penche toujours à droite), le Parti socialiste s’est effondré. Aujourd’hui, c’est un tas de décombres. Mais la gauche se caractérise aussi par la division et, dans une certaine mesure, par le pur sectarisme. Jean-Luc Mélenchon est passé très près d’accéder au second tour avec sa puissante campagne pour une France plus égalitaire et l’aurait probablement fait s’il avait fait un effort pour rallier ces gauches, mais cela ne l’intéressait pas du tout.
Au lieu de cela, les votes ont été répartis entre, par exemple, l’ancien Parti communiste et un Parti socialiste rétréci.
Ce qui manque à la politique française, c’est un parti large avec une politique réformatrice et redistributive, rassemblant une majorité de gilets jaunes, de syndicalistes, de classes moyennes et populaires ordinaires et d’intellectuels. Le Parti socialiste français s’est effondré parce qu’il était associé à l’élitisme français, ce qui était exceptionnel en Europe.
L’ironie est que celui qui a quitté le Parti socialiste en train de s’effondrer, Emmanuel Macron, est lui-même façonné par l’élitisme plutôt extrême du système éducatif français.
La grande question après l’élection en France demeure : qu’en est-il pour l’Europe, où un candidat présidentiel d’extrême droite peut gagner plus de 40 % des électeurs ?
D’une certaine manière, la question s’applique également à la Suède. Comment est-il même possible qu’un politicien suédois, qui peut très bien siéger dans un gouvernement, après les élections d’automne – je pense à Ebba Busch – prononce des déclarations populistes militantes de droite selon lesquelles la police devrait tirer brusquement dans des situations de surpeuplement et toujours assis sans être dérangé ?
Ceux en Suède qui sont ébranlés par les commentaires de Busch sont susceptibles de ressentir la même chose que des millions d’électeurs en France dimanche : il vaut mieux voter pour quelqu’un que nous n’aimons pas que de voter pour une alternative bien pire.
Traduit en termes suédois, cela signifie que de nombreux électeurs et commentateurs bourgeois devraient préférer un gouvernement S continu à un gouvernement dirigé par M, qui comprend Ebba Busch et a le soutien du SD.
Tous les citoyens suédois qui ont été soulagés que Marine Le Pen n’arrive pas au pouvoir devraient se demander : comment devrions-nous procéder pour qu’un Ebba Busch et un Jimmie Åkesson n’arrivent pas au pouvoir en Suède ?
Mais je ne vois pas de demande massive de réponse de la part d’Ulf Kristersson car il voit la question d’avoir des courants de type Marine-Le Pen comme base de son règne. Les mêmes personnes qui ont plus ou moins exigé que la gauche française vote à droite, c’est-à-dire sur Macron, pour éviter le pire, ne peuvent même pas penser à dire non à un gouvernement Kristersson dépendant de Busch-Åkesson.
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